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18 mars 2018 - Science, connaissance, progrès technique et islam

Pour certains zélateurs de l’islam, celui-ci serait à l’origine de pratiquement tous les progrès de l’humanité. C’est le cas du Musée des civilisations de l’islam de La Chaux-de-Fonds, de mosquées et de centres culturels musulmans; on trouve sur la Toile des extraits d’émissions de télévision et des prises de position d’imams qui abondent dans ce sens. En règle générale, les auteurs de ces affirmations partent du postulat que rien n’existait avant l’islam dans les pays aujourd’hui musulmans. Pourtant, toute société hérite de celles auxquelles elle succède. C’est pourquoi la transmission des connaissances et des inventions dans le monde est un sujet extraordinairement complexe, qui réclame le courage de toute personne qui s’y intéresse.

En préalable, il convient de garder à l’esprit :

  1. Qu’une invention ou une technique apparue à un endroit de la planète ne signifie pas forcément qu’elle est adoptée par l’ensemble du groupe humain où elle a eu lieu. Des archéologues ont découvert sur certains sites préhistoriques des crânes qui avaient fait l’objet d’une trépanation. Cela ne signifie pas que cette technique chirurgicale avait été adoptée universellement au Paléolithique.
  2. Une religion peut, il est vrai, avoir une influence sur la marche du progrès. C’est ainsi que le protestantisme a favorisé l’alphabétisation de ses ouailles, le croyant devant être en mesure de lire la Bible. En Suisse, pour cette raison, l’alphabétisation des cantons protestants a été plus précoce que celle des cantons catholiques.
  3. Le débat ne peut pas seulement se centrer sur la relation Europe-monde musulman mais doit aussi inclure d’autres civilisations. La Chine, par exemple, a été longtemps en avance sur l’Europe. Les Chinois ont inventé, entre autres choses, le papier, la boussole et la poudre à canon ; la Chine et la Corée disposaient déjà de caractères mobiles au 11e siècle, soit quatre siècles avant que Gutenberg ait l‘idée de les inventer en Allemagne. Cette avance chinoise va disparaître sous l’influence du confucianisme qui magnifie le passé et la tradition, préconisant le repli de la Chine sur ses valeurs traditionnelles, ce qui conduira à la sclérose de ses connaissances. Et puis il y aussi le Japon, l’Inde… voire les empires américains précolombiens mayas, aztèques et incas - notamment dans le domaine de la pharmacopée et des mathématiques.
  4. Une civilisation ou un Etat ne sont pas supérieurs dans l’absolu à d’autres dans tous les domaines des connaissances mais ils sont en avance, à une époque donnée, et dans des domaines précis. Pour un Etat, beaucoup dépend de ses investissements publics. Voilà qui n’a rien à voir avec la religion.

La conquête et la gestion d’un territoire immense

Après la mort de Mahomet, une fois l’Arabie unifiée, les conquêtes islamo-arabes s‘étendent en direction de la Mésopotamie (Syrie et Irak) – Jérusalem est prise en 638 -, de la  Perse, de la Palestine, puis de l’Egypte, de la Lybie, enfin du Maghreb. En 711, une armée composée entièrement de Berbères islamisés - les Maures – dirigée par Tariq ibn Zyiad envahit la péninsule ibérique, soit 80 ans seulement après la mort de Mahomet. On peut, sans excès de langage, qualifier les conquêtes musulmanes de foudroyantes. L’expansion musulmane ne sera arrêtée qu’en 732, à Poitiers, par Charles Martel.

Au départ les guerriers arabes sont principalement des bédouins, c’est-à-dire des éleveurs. Ils conquièrent des civilisations raffinées – territoires pris à l’Empire byzantin et à la Perse sassanide – et se trouvent confrontés à la question de la gestion des immenses espaces dont ils se sont emparés. Par la force des choses, ils sont obligés de s’appuyer sur les populations soumises - Arabes chrétiens, Juifs, mais aussi cadres persans issus de l’ancien empire sassanide -  qui fournissent des fonctionnaires aux dynasties omeyyade (660-750) et abbassides (750-1258). Voila qui explique la relative tolérance des musulmans à l’endroit des gens du Livre de ces deux califats; ils ont besoin d’eux. La tradition de gouvernance héritée des empires byzantin et sassanide influence fortement le califat omeyyade et il n’y a rien de surprenant à cela. Le califat abbasside, plus centralisateur, emploie de nombreux fonctionnaires sassanides. Ces deux califats font preuve d’une tolérance relative à l’endroit des non musulmans, notamment les gens du Livre et les zoroastriens, que l’on ne trouve plus aujourd’hui dans de nombreux pays musulmans.

 

Situation du monde musulman dans l’espace mondial

Une fois l’avancée musulmane stabilisée, du moins en direction de l’Europe et de l’Asie, l’espace conquis s’étend sur un territoire qui va de l’Atlantique à l’Iran. Il occupe une situation géographique qui le met en mesure de séparer l’Europe, l’Asie et l’Afrique entre elles. Toute communication entre ces continents passe obligatoirement par le monde musulman ce qui confère à celui-ci le contrôle du commerce intercontinental et la diffusion de techniques nouvelles. Les Européens pensent que les musulmans ont inventé la boussole car ils l’ont reçue d’eux, alors qu’elle a été mise au point par les Chinois. Il en va de même des chiffres dits arabes, qui sont en réalité indiens. Les Etats ibériques, une fois libérés de la domination musulmane, vont s’efforcer de trouver une route directe pour commercer avec l’Inde, Cathay (la Chine) et Cipango (le Japon). C’est donc le désir de désenclaver l’Europe qui pousse les Ibériques à se lancer sur les océans afin de pouvoir nouer des relations politiques et économiques avec l’Inde et l’Extrême-Orient. Les navigateurs portugais le feront en longeant les côtes de l’Afrique ; une fois passé le cap de Bonne-Espérance, la porte de l’Inde leur est ouverte, et au-delà la Chine et le Japon. Christophe Colomb pense atteindre la Chine et le Japon en traversant l’Atlantique… et découvre l’Amérique ! On ne soulignera jamais assez combien ces découvertes désenclavent l’Europe, tant à l’égard de l’Asie que de l’Afrique, la libérant du carcan musulman. Le monde musulman perd alors les avantages commerciaux liés à sa situation géographique.    

 

Sciences et techniques

Le califat omeyyade, centré sur la Syrie, et le califat abbasside, sur l’Irak, regroupent des terres où est née l’agriculture au néolithique et qui, avec l’Egypte, constitue la plus ancienne terre de civilisation. Sumer, Akkad et Babylone, plus tard l’Assyrie, la Perse ont développé des techniques en matière d’irrigation et de gestion de l’eau bien avant la naissance de l’islam, dont héritent les conquérants arabes. Il est regrettable de lire aujourd’hui sous la plume d’auteurs pourtant autorisés les termes « d’agriculture musulmane ».

Au IXe siècle, le califat abbasside occupe une place à part dans la naissance d’une science arabe grâce à l’impulsion de ses califes et à l’aide privée. Les Abbassides se procurent des manuscrits grecs auprès de Byzance et les chercheurs les traduisent en arabe, tout cela dans un contexte cosmopolite puisque des savants chrétiens et juifs participent à ces travaux dans le domaine de l’astronomie – un véritable programme d’observations est lancé -, des mathématiques – tout particulièrement l’algèbre et l’arithmétique, les auteurs arabes héritant le zéro de l’Inde, la géométrie et la trigonométrie -, de l’optique et de la médecine. A travers la Perse, des connaissances indiennes leur parviennent également mais l’apport grec domine largement. Le syriaque et le persan sont également utilisés dans ces travaux. L’exemple de la médecine est particulièrement parlant de la manière dont les Abbassides ont su utiliser le rôle de carrefour entre l’Europe et l’Asie de l’espace musulman. A un apport essentiellement grec – Hippocrate et surtout Galien – s’ajoutent quelques éléments perses, indiens et arabes. Le califat abbasside a également su créer un climat propice à l’étude, suscitant l’intérêt pour l’héritage grec et pour d’autres civilisations. Certains, non sans raison, ont parlé d’un âge d’or de l’islam – VIIIe au XIIe siècles - qui contraste avec la fermeture du monde musulman aujourd’hui, attitude qui constitue incontestablement une régression.

 

Et Byzance dans tout cela?          

Les Européens occidentaux ont tendance à penser, par ignorance, qu’avec la chute de l’Empire romain d’Occident en 476 c’est tout l’héritage de Rome qui disparaît. Or l’Empire romain d’Orient se maintient à travers Byzance ; cet Empire d’Orient  dure près de 1000 ans avant d’être sauvagement détruit par les Turcs en 1453 dans l’indifférence des Européens occidentaux aveugles à ce qui se passe et qui le paieront cher dans les siècles suivants. Or l’Empire d’Orient est de langue et de civilisation grecs ; il n’a donc aucun problème à jouer le rôle de conservatoire de l’héritage culturel et scientifique de la Grèce antique. Dans un livre publié en 2017, La gloire des Grecs, Editions du Cerf, l’historien médiéviste Sylvain Gouguenheim rappelle que c’est à Byzance qu’a été recopiée et conservée la plupart des œuvres de l’Antiquité grecque, que c’est dans cette ville impériale « que la culture antique continua pendant des siècles à servir de socle à l’enseignement scolaire », que cet héritage a été transmis aux cours royales et aux abbayes de l’Europe occidentale à l’époque romane du Xe au XIIe siècles, enfin qu’il fut alors traduit en latin. Sylvain Gouguenheim décrit les intermédiaires par lesquels cette transmission s’est effectuée et les routes suivies ; couloir de circulation qui, de la Sicile et de l’Italie du Sud, passe par la vallée du Rhône, conduit en Champagne, aux abbayes d’Ile-de-France et à la Normandie, de là au monde rhénan et dans le reste de l’Europe. Notre Moyen Âge doit beaucoup à Byzance qui a constitué un lien ininterrompu avec la Grèce antique.     

 

Conclusion

Il est aussi absurde de parler de sciences ou de techniques musulmanes que d’évoquer des connaissances chrétiennes ou bouddhistes. Personne n’oserait affirmer aujourd’hui, sauf à se couvrir de ridicule, que les antibiotiques sont une invention chrétienne, au prétexte que c’est un Anglais, Alexander Fleming, qui a découvert la pénicilline en 1928.

La confusion qui est sciemment faite aujourd’hui entre islam et monde arabe et persan par les salafistes et autres frères musulmans, mais aussi par des musulmans dits « modérés » et des « intellectuels » occidentaux, a pour but de décréter islamiques des techniques qui sont d’origine sumérienne, assyrienne, arabe et persane, voire remontent à plus loin dans le temps car apparues dans le Croissant fertile, à partir de la naissance de l’agriculture au néolithique. Le monde musulman a connu un âge d’or relatif au Moyen Age, c’est vrai ; il s’est hélas enfermé par la suite dans des comportements rigides et intolérants dont nous voyons les résultats aujourd’hui, régression dont il ne s’est jamais remis. La liberté de pensée, et non les religions, guide le progrès, cela depuis la nuit des temps. Quand les religions veulent se mêler de science, elles constituent rarement un progrès, mais souvent un frein. Ce constat est valable pour toutes les religions et surtout pour l’islam, responsable aujourd’hui encore du fait que des centaines de millions d’individus croupissent dans l’ignorance et la misère.

Camille      

  

ANALYSE L’Autriche et sa lutte contre la radicalisation

L’Autriche a su prendre des mesures strictes 

L’Autriche s’est dotée d’une Loi sur l’islam en 2015. Elle avait fait couler beaucoup d’encre et de salive lors de son adoption, notamment dans certains pays de l’UE, Vienne étant accusée de faire le jeu du populisme et de stigmatiser les musulmans. Il faut dire que le Chancelier Sebastian Kurz, chef du Österreichische Volkspartei (ÖVP), conservateur, étant alors allié du Parti de la liberté (FPÖ), qualifié d’extrême-droite, ceci expliquait cela. Six ans après, cette loi ne fait plus la une de la presse occidentale, les accusations à son égard s’étant révélées sans fondement. Ce texte pondéré a pour but de fixer les droits et obligations des musulmans dans une société démocratique, ni plus, ni moins, et elle a clarifié bien des choses. Elle exige des étrangers de confession musulmane venus s’établir en Autriche «une attitude positive envers l’Etat et la société». Voilà qui devrait aller de soi.

Le 2 novembre 2020 un ressortissant de Macédoine du Nord, naturalisé autrichien, commet un attentat qui coûte la vie à 4 personnes et en blesse 15 autres. Le chancelier Sebastian Kurz annonce le 11 novembre des mesures strictes contre les djihadistes se trouvant en Autriche :

- Surveillance électronique
- Renforcement des outils permettant de déchoir de la nationalité autrichienne les individus condamnés pour terrorisme et détenant la nationalité d’un pays tiers
- Retrait de certaines aides sociales ainsi que du permis de conduire...