Escapade militante à Fribourg

Le comité de Vigilance islam organise régulièrement des récoltes de signatures en guise de soutien à des causes qui lui tiennent à cœur. Ça a été l’initiative pour l’interdiction du foulard à l’école en Valais, c’est aujourd’hui celle du niqab - plus communément mais faussement appelé burqa.

C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés à cinq, notre panier sous le bras, ce samedi 10 septembre à Fribourg. Le temps était idéal, le chaland pas trop pressé, la récolte fructueuse: plus de 170 soutiens à l’initiative. Le ratio estimé, en moyenne: 6 sollicitations par signature.

Ce genre d’exercice n’est pas un long fleuve rafraichissant. On se dit parfois qu’on aurait été tellement mieux au bord du lac! Quelques bonheurs et malheurs du quêteur:

Tu avises un badaud qui se dirige paisiblement dans ta direction. Mais tout soudain, il voit ton support, dévie de son parcours et accélère vivement le pas. Tu lui dis tout de même aimablement: «Bonjour Monsieur, êtes-vous opposé à la burqa?» Il passe, muet, regardant droit devant lui.

Certains prennent l’air le plus revêche possible en guise de dissuasion. D’autres, plus nombreux, prononcent tout bas sans s’arrêter: «non», «je ne sais pas», «c’est compliqué», « je suis partagé », «non merci». Et assez fréquemment «y en a si peu, j’en ai jamais vu». Nous avons tous l’impression qu’une bonne partie d’entre eux sont gênés de signer, mais diront oui dans l’isoloir. Nous ressentons clairement une crainte de parler d’un sujet brûlant. Il n’est pas rare que nos interlocuteurs soient opposés au niqab, mais refusent leur paraphe car «ça vient de l’UDC».

Le constat est rapide: les soutiens se recrutent d’abord parmi les femmes de 50-70 ans. Elles empoignent le stylo avec enthousiasme. Nous finissons tous par nous centrer sur elles. Suivent selon cette sociologie très élémentaire, les hommes du même âge, puis les mamans avec enfants.

Parmi les jeunes, encore rares sont les esprits vraiment lucides sur la question. Les plus récalcitrants sont les étudiants. On les comprend: depuis leur plus tendre enfance, ils ont baigné dans nos institutions de tolérance, d’ouverture et de repentance. Chez les jeunes d’aujourd’hui aussi, il est interdit d’interdire. Plusieurs disent qu’ils se fichent de la question, d’autres célèbrent la liberté, beaucoup nous reprochent notre intolérance. «J’étudie les sciences des religions, alors forcément je suis pour la liberté religieuse». «Je peux porter une jupe courte, pourquoi refuserais-je à d’autres de porter ce qu’elles veulent?». Mais il y a de bonnes surprises: des jeunes qui signent et nous remercient.

Nous aimons débattre courtoisement et certains opposants aussi. Nous ne les convainquons jamais, mais ce sont de bons moments.

L’un d’entre nous a sollicité par inadvertance une femme musulmane turque. Sa réponse l’a soufflé: «Vous n’y arriverez jamais. L’islam s’infiltre partout.»

Sur le quai de gare, une autre a refusé. Puis s’est approchée pour nous demander en quoi le niqab nous gênait. Elle était affublée d’un foulard et avait le corps bien enveloppé. J’ai voulu savoir pourquoi elle portait tout ça. «Parce que ma religion me le demande.» Je lui ai demandé pourquoi son dieu demandait une telle contrainte aux femmes et rien aux hommes. Elle s’est fâchée et est partie.

Non, lancer une initiative n’est pas une sinécure. Il faut une sacrée mobilisation. Des paraphes arrivent spontanément, mais l’essentiel se récolte dans la rue.

A propos, Giorgio Ghiringhelli qui fut à l’origine de l’initiative tessinoise d’interdiction nous signale que le Tessin a déjà réuni 5000 signatures. Bravo Ticinesi!

Mireille